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Cette biographie de Saturnine a été écrite par un membre du corps religieux catholique et n'a aucune valeur historique. Cependant, cette biographie est la plus détaillée sur la Sainte Saturnine. Il est de votre bon droit de croire ou non en ces événements mystiques.

Vers la fin du 11ème un chanoine de Thérouanne nommé Baldéric, parcourut le pays d'Arras et de Cambrai et y recueillit les traditions concernant les institution, les monuments et les faits religieux.

Il vint à Sains les Marquion, il se fit raconter tout ce qu'on savait de la vie et de la mort de sainte Saturnine et le consigna dans sa Chronique (Baldéric, Chronicum Camerac et Atrebat, L, ib,12. cap.12) c'est le seul document écrit que nous ayons sur notre martyre, document précieux parce qu'il nous fait connaître la tradition orale, telle qu'elle existait à Sains à une époque relativement rapprochée des événements.

Laissant de coté les légendes - sans valeur historique - qui ont pris naissance autour de la tradition primitive, nous nous servirons uniquement du texte de Baldéric pour retracer la vie et la mort de sainte Saturnine.

Les biographies de sainte Saturnine ne manquent pas.

La plus intéressante et la plus solide est assurément celle des Bollandistes (Boll, Act, Sanct, 20 mai et 4 juin) Malheureusement elle n'est pas accessible à tout le monde. Les autres sont :

1° « La vie de sainte Saturnine vierge et martyre patronne de Sains en Artois » imprimée chez Deligne et Cie à Cambrai sans date et sans nom d'auteur. C'est une petite plaquette de onze pages qui suit d'assez près le texte de Baldéric.

2° « L'Histoire de Sainte Saturnine » en sous-titre : « Sa vie et son culte à Sains les Marquion » par l'abbé Joseph Debove. C'est la brochure qu'on vend aux pèlerins depuis une trentaine d'années. Cinq pages sur vingt sont consacrées à la vie proprement dite de la Sainte. Le reste traite de ses reliques et de son culte.

3° « Sainte Saturnine vierge et martyre et son culte à Sains les Marquion » par L. Salembier aumônier, licencié en théologie. Lille imprimerie A. Béhague 1884. L'auteur est un maître qui préludait avec cette notice à des oeuvres importantes et connues. Il fait vivre sainte Saturnine au 9ème Siècle sans donner les raisons de cette opinion. Avec les Bollandistes, il discute le miracle du transport de la tête et paraît incliner vers la négative. Il identifie notre sainte Saturnine avec celle de Paderborn ; ce n'est pas ici le lieu d'instituer une discussion à ce sujet. Simplement qu’il soit dit que les trois raisons qu’il donne pour justifier cette manière de voir sont sans valeur.

Comme préface à son ouvrage, M.Salembier a brossé un tableau remarquable du milieu où il croit que son héroïne a vécu. Mais c'est une question de savoir si c'est dans ce cadre qu'on doit situer la vie de notre Sainte. On en jugera par la suite. Pour nous, nous pensons et nous tenons pour certain que sainte Saturnine vécut au commencement du 10ème siècle, de ce siècle que Baronius a appelé « Siècle de fer pour sa grossièreté et sa stérilité en toutes sortes de biens ; siècle de plomb pour l'abomination du mal qui l'inonde ; siècle de ténèbres pour le manque d'écrivains. »

Charlemagne, dont la puissante main tenait unis vingt peuples dissemblables a t-il eu le pressentiment de la fragilité de son oeuvre ? A t-il eu l'intention de remédier à ce défaut en divisant son immense empire ? Son génie a t-il été court sur ce point et n'a t-il pas prévu qu'en partageant son oeuvre il la brisait et la vouait à la ruine ? Toujours est-il que le système des partages a été source de divisions, de guerres, d'affaiblissements et de décompositions. A chaque génération ses héritiers descendent d'un degré l'échelle de la ruine. Si son arrière petit-fils réussit un moment, à regrouper sous son sceptre tout l'empire du grand aïeul, ce fut semble t-il, pour mieux faire éclater son impuissance. Après lui, les derniers carolingiens sont de plus en plus insignifiants. Louis d'outre-mer, n'a plus que la ville de Laon. Les autres n'ont plus rien et cèdent la place aux Capétiens.

Autour du lit où agonisait la dynastie Carolingienne, les héritiers se partageaient ses dépouilles. C'étaient d'une part, les derniers barbares envahisseurs et particulièrement les Normands et d'autre part, les grands fonctionnaires de l'empire qui s'adjugeaient la souveraineté des provinces qu'ils avaient charge d'administrer. Ainsi commencèrent les Comtés de Flandre, d'Anjou, de Champagne, de Toulouse, les duchés de Bourgogne et d'Aquitaine. C'étaient les débuts d'une nouvelle organisation sociale. Car une société ne peut vivre dans l'anarchie. De la décomposition où était tombée la Société carolingienne un ordre sortit spontanément : celui qui était le mieux adapté aux contingences, qui répondait le mieux aux besoins des hommes qui était, en un mot, le plus naturel. Quand cet ordre social aurait atteint sa perfection, il se nommera Féodalité. La féodalité eut ses défauts. Du moins « elle a sauvé la France des suites qu'aurait eues, nécessairement sans elle, la chute de l'empire carolingien. Elle a rendu un grand service en introduisant dans le désordre des éléments d'ordre ; en rapprochant les uns aux autres par certains devoirs, tous les hommes de guerre ; en réunissant dans des associations volontaires tous ceux qui disposaient de quelque puissance ; en créant au milieu des ruines de l'empire romain et carolingien une organisation nouvelle en reconstituant dans l'anéantissement des anciennes lois, une sorte de droit public. Par là, elle a peut-être empêché plus de guerres qu'elle n'en a causé. Les hommes de l'âge féodal étaient rudes et violents : le contrat féodal a été, d'abord, le seul frein qui pût les contenir » (Alfred Rambaud, Hist. De la Civil. Franç. T.1, p.134)

Ces grands événements : décomposition d’un vaste empire, avènement d'une nouvelle dynastie, enfantement d'une organisation sociale, le tout compliqué des invasions normandes se sont accomplis dans une atmosphère de troubles, de guerres, de calamités, de misères dont on a résumé toute l'horreur dans ce mot : Siècle de Fer.

La décadence générale a t-elle affecté l'Eglise et la Papauté ? Il faut bien s'entendre. Il y a dans ces augustes institutions des éléments essentiellement divins qui sont à l'abri de toute décadence ; il y a des éléments humains qui y sont soumis : pouvoir temporel, influence politique, éclat extérieur, autorité morale. Sur ces derniers points la papauté a subi la loi historique du monde à cette époque. Après le brillant pontificat de saint Nicolas 1er et surtout à partir de la mort de Formose, commença pour le Saint Siège une ère d'humiliation profonde. La papauté tombée sous l'influence de la maison de Théophylacte dont les intrigues l'eussent perdue si la Providence n'avait veillé et réalisé la promesse : Les portes de l'enfer ne prévaudront pas. A aucune époque de l'histoire, la divinité de l'Eglise ne fut plus évidente. En Italie, à Rome, c'était comme dans le reste de l'Europe, l'Anarchie, le siècle de fer et de ténèbres.

Pourtant, avant d'être couvert de ces ténèbres, l'esprit humain avait brillé d'un bel éclat, d'abord sous Charlemagne ave Alcuin et ce qu'on a appelé « la renaissance carolingienne » et plus tard avec Hincmar de Reims, Ratramne, Pachase-Radbert et surtout Scot-Erigène, génie solitaire qui ne fonda aucune école, mais construisit un système dont la puissante originalité étonne encore aujourd'hui les penseurs. Après eux, si le flambeau ne s'éteignit pas totalement, il ne fut plus qu'une toute petite flamme que l'on conservait pieusement dans les monastères, mais qui ne parvenait plus à percer l'obscurité. C'était, enveloppant le monde, la nuit.

La sainteté elle-même paraît avoir subi une éclipse à cette époque. Notre région avait vu briller, au 8ème siècle les saint Saulve, les saint Géry, les saint Omer, les saint Aubert, les saint Bertin, les saint Amand et combien d'autres. Au siècle suivant les Saints ne manquaient pas encore, ils sont cependant moins nombreux et moins brillants. Au 9ème - 10ème siècle il n'y a plus que quelques noms sans éclat. La sainteté semble aussi s'être recueillie et retranchée, anonyme, dans les monastères.

Faut-il à ce siècle de fer, jeter le mépris ? Faut-il l'accabler du dédain, le traiter comme la honte de l'histoire ? Il s'agirait bien plutôt de savoir si l'humanité n'a pas eu besoin de ce relais avant de fournir une nouvelle et décisive étape comme à la terre, il faut le repos de l'hiver avant de produire de nouvelles moissons. Si nous ne savons pas ou si nous ne savons qu'imparfaitement ce que les gens du 10ème siècle ont pensé de leur temps, le recul de l'histoire nous permet d'affirmer que ce temps ne fut pas sans espérance. Nous savons quels germes de résurrection renfermait le monastère du Cluny fondé le 1er septembre 910. C'est à peu près le moment où la radieuse figure de sainte Saturnine brillait chez nous, au milieu des ténèbres du siècle de fer.

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